Le bateau vénète
Les neuf siècles compris entre l’an 800 av. J.-C. et l’an 100 apr. J.-C. représentent un vide dans l’archéologie maritime de la côte atlantique. On ne dispose d’aucune épave identifiable comme vénète, leur intégrité sur le littoral de la Bretagne ne pouvant sans doute résister aux attaques de la mer à faible profondeur.
Plusieurs navires fluviaux ou d’estuaires ont été retrouvés dans des milieux plus protégés et c’est sur eux que certains archéologues s’appuient pour restituer l’architecture du navire vénète décrit par Jules César. Les plus citées de ces épaves sont Blackfriars 1 (Figure 1) retrouvée à Londres, une épave trouvée à Guernesey ou Port-Berteau II trouvée dans la zone maritime de la Charente.
En fonction de ce que l’on sait et de ce que l’on peut déduire des connaissances archéologiques, le navire vénète serait un navire marchand original, construit en chêne, sur sole, à franc-bord, avec un creux important, la proue et la poupe relevées. Son architecture qualifiée de « protomembrure première », c’est-à-dire avec des alonges actives fixées aux varangues, est très différente de celle des navires méditerranéens comme de ceux plus tardifs de Scandinavie. C’est une étape intermédiaire dans l’évolution de l’architecture navale depuis le bateau monoxyle (taillé dans un tronc unique) jusqu’au navire construit sur quille « membrure première » ; et également dans l’évolution des navires fluviaux ou d’estuaire vers des navires hauturiers.
Il n’y aurait eu qu’un seul mât avec une voile carrée en peau (Figure 2). Un ou deux avirons de gouverne, sur tribord, permettaient de contrôler la route. Les navires vénètes devaient utiliser des ancres et des chaînes de mouillage en fer (Figure 3), ce qui serait une caractéristique très en avance sur leur époque.
Longueur (L) | 17 m |
Maître-bau (l) | 5 m |
Allongement (L/l) | 3,4 |
Creux | 2,50 m |
Tirant d’eau | 1,10 m |
Type de construction | Protomembrure première sur sole |
Matériau | Chêne |
Bordage | Franc-bord et cloutage |
Hauteur du mât au-dessus du pont | 8 m |
Voile | 100 m² |
Appareil de gouverne | 2 |
Avirons de manœuvre | 4 |
Poids lège | 15 t |
Poids en charge | 40 t |
Angle calculé d’envahissement | 50° |
Motorisation | A faible émission de carbone |
Nombre de passagers | 25 (hors équipage) |
Avec son architecture de type « protomembrure première », le navire vénète est sans doute une étape intermédiaire dans l’évolution de l’architecture navale depuis le bateau monoxyle (taillé dans un tronc unique) jusqu’au navire construit sur quille « membrure première », comme dans la transition entre navires fluviaux ou d’estuaire vers des navires hauturiers.
Le présent dossier résulte des études réalisées en archéologie comparée, de l’étude effectuée par Loïc Siat (charpentier de marine, gérant de la société Chantier de la Bascatic) pour l’association Mor Er Wenediz, des tests d’hydrostatique sur ordinateur réalisés par Yann Philippe, ingénieur-architecte naval, et bien sûr de la description du navire vénète par Jules César dans le livre 3 de La guerre des Gaules.
Avec son architecture de type « protomembrure première », le navire vénète est sans doute une étape intermédiaire dans l’évolution de l’architecture navale depuis le bateau monoxyle (taillé dans un tronc unique) jusqu’au navire construit sur quille « membrure première », comme dans la transition entre navires fluviaux ou d’estuaire vers des navires hauturiers.
Le présent dossier résulte des études réalisées en archéologie comparée, de l’étude effectuée par Loïc Siat (charpentier de marine, gérant de la société Chantier de la Bascatic) pour l’association Mor Er Wenediz, des tests d’hydrostatique sur ordinateur réalisés par Yann Philippe, ingénieur-architecte naval, et bien sûr de la description du navire vénète par Jules César dans le livre 3 de La guerre des Gaules.
La charpente axiale est composée de la sole, de l’étrave (proue) et de l’étambot (poupe), ces deux derniers éléments viennent se glisser dans des encoches découpées dans la sole, sans aucun assemblage ; ils sont liés par clouage dans les premières varangues posées et clouées à la sole.
Au nombre de 36, les varangues ont des formes uniques. Chacune étant sélectionnée dans un arbre tors au plus proche de la forme voulue, les dimensions et longueurs maximales sont diverses, entre 200 et 350 mm de large pour 220 mm d’épaisseur.
La varangue d’emplanture de mât est la pièce la plus spectaculaire et importante retrouvée sur les épaves analogues, elle témoigne d’une certaine technicité des charpentiers de l’époque.
Les allonges sont intercalées entre chaque varangue. Leurs associations constituent une sorte de « proto-membrure ». Leurs largeurs sont également variables, entre 150 et 240 mm, selon les arbres trouvés. L’épaisseur reste cependant plus homogène, en moyenne 115 mm, afin de pouvoir clouer régulièrement le vaigrage et le bordage. Selon les contraintes, ces allonges peuvent être actives ou passives.
Le vaigrage (50 mm d’épaisseur pour le fond et 30 mm pour les flancs) recouvre entièrement la cale, et se trouve être cloué à la charpente transversale.
Des cloisons permettent d’empêcher le ripage du chargement lors des navigations, et son maintien au centre du bateau. Elles créent également des espaces aux extrémités pour l’équipage ou les équipements de rechange et de sécurité.
La varangue d’emplanture de mât est la pièce la plus spectaculaire et importante retrouvée sur les épaves analogues, elle témoigne d’une certaine technicité des charpentiers de l’époque.
Le pont est une partie du bateau dont il ne reste aucun vestige dans la plupart des épaves explorées. Il s’agit donc d’une interprétation de différentes techniques antiques. Le choix a été fait d’un pont simple, fait de planches droites plutôt larges, épaisses de 50 mm et clouées.
Les baux de pont sont les pièces les plus controversées de cette hypothèse. On sait qu’elles existaient sur les voiliers cargos romains un ou deux siècles plus tard, et Jules César a décrit des poutres d’un pied d’épaisseur à bord des navires vénètes.
Ces baux traversants sont posés transversalement au-dessus du pont ; ce seraient des pièces très importantes pour bloquer l’ouverture du maître-bau. En effet, le poids important du chargement ne demande qu’à faire ployer la sole, refermer l’étrave et l’étambot, et écarter les préceintes.
L’hypothèse a été retenue de disposer d’un aviron de gouverne disposé de chaque côté de la poupe avec les caractéristiques suivantes : 4 600 mm x 480 mm x 160 mm pour un poids (hors barre) de 100 kg.
Ces avirons peuvent être relevés en position neutre lorsque l’on navigue “gîté” sur un bord, au mouillage, ou à l’échouage.
Pour permettre une vision du barreur vers l’avant du bateau conformément à la réglementation, et une hauteur de barre optimale pour le pilote, mais aussi dégager une zone libre à ses pieds, une petite plateforme est installée.
La position du mât est discutée et variable selon les épaves analogues retrouvées. Après analyse, l’hypothèse de mettre le mât près du tiers avant, a été retenue. Long de 16 mètres pour un diamètre maximal de 410 mm, le mât a une base rectangulaire, approximativement de 320 mm par 240 mm, avec une section parallélépipédique jusqu’à son étambrai.
Il vient se glisser dans la trémie centrale et se loger dans la varangue de pied de mât. Il est hissé à l’aide de chèvres, et maintenu en place par un étai et un pataras, raidis par palans. Trois haubans de chaque côté, tendus par des caps de mouton ou des moques de type antique, sont tournés autour des pieds de jambettes sous la bourlingue des baux. Enfin, le mât est enserré dans son étambrai par une chaîne lâche crochetée sur des clous retournés, puis bridé par des coins en bois.
Il a été choisi d’opter pour une forme de voile carrée comme dans les navires de l’époque pendant des siècles, et surtout compatible avec la position avancée du mât.
Il ne semble donc pas exagéré pour le navire vénète avec un déplacement lège d’environ 30 tonnes, d’avoir une surface globale de voilure d’au moins 100 m². Cela donne une voile avec une envergure de 12,15 mètres pour une chute de 8,20 mètres, fixée sur une vergue de 13,50 mètres soit un tirant d’air total de 15,40 mètres.
Pour faciliter l’utilisation par un équipage réduit, un système de ris par cosses cousues dans la voile a été privilégié.
La vergue et la voile sont envoyées en haut du mât par un gros palan situé au-dessus des capots. Les écoutes sont démultipliées, mais surtout doublées, afin de pouvoir symétriquement inverser le point d’écoute et le point d’amure d’un bord à l’autre sans risquer de violents fasseillages.
Sur les épaves analogues ont été retrouvées des traces de calfatage entre les bordés, fait à cette époque de copeaux de bouleau et de noisetier mêlés à de la résine de pin (pour le Blackfriars) et d’algues selon le descriptif du bateau vénète par César. Le choix de reconstitution archéologique pourra être fait de recréer le procédé original, ou bien d’opter pour un calfatage classique, en tresse de chanvre ou de coton, ou encore à l’étoupe.
Par contre, sous la flottaison, il semble impossible aujourd’hui de déroger à l’utilisation extérieure d’une peinture antifouling moderne, qui protégera le bateau de mollusques et gardera sa coque propre de toute installation d’algues et coquillages durant la saison.
Éléments parmi les plus particuliers du navire vénète, signature technique des bateaux armoricains antiques, les clous recourbés sont essentiels à la bonne tenue des pièces du bateau entre elles. Il s’agit de clous retournés en fer forgé, selon une technique bien particulière (d’un diamètre de 18 mm pour ceux des varangues, et 16 mm pour ceux des allonges), de formes uniques et de longueurs variées (jusqu’à 740 mm !). Les allonges sont d’abord percées puis chevillées en bois, sûrement pour limiter leur fente et augmenter l’étanchéité autour du clou. Cette cheville et le bordé sont ensuite repercés par l’intérieur, légèrement et plus étroitement que le diamètre du clou, soit à 17 mm. Le clou de section cylindrique est envoyé par l’extérieur, la pointe à 90°est rabattue lorsqu’elle dépasse de quelques centimètres, puis la tête est envoyée contre la coque tout en prenant soin d’y ajouter un mélange d’étanchéité dans sa partie creuse. Enfin, le clou est complètement rabattu dans l’allonge, de façon à y planter l’extrémité pointue recourbée dans un premier temps.
Un premier calcul de quantité conduit au résultat suivant :
On estime facilement le poids total de tous ces éléments à près de 2 500 kg.
Il peut paraître paradoxal de parler de motorisation pour une réplique de navire du premier siècle avant notre ère. Toutefois les conditions de sécurité comme de manœuvrabilité dans les espaces restreints de ports modernes obligent à poser la question pour un projet de réplique navigante. De plus, le choix du type de motorisation peut avoir des conséquences sur le plan de charpente.
Les études préliminaires orientent, à ce jour et dans l’état actuel des techniques (très évolutives aujourd’hui) à quelques choix basiques pour une motorisation favorable à la manœuvre d’un navire lourd de plus de 15 m :
Ce dossier a été réalisé par Guylain SERGENT
Association Mor Er Wenediz
Images 3D : Loïc Siat